MIDNIGHT FEVER ♦ (Rhileigh-Jade)

En ce deuxième jour de rentrée, l'excitation qui avait empêché tout le monde de fermer l'oeil la veille avait laissé place à une grande fatigue de la part des autres garçons de mon dortoirs. Pour ma part, j'avais enfoui ma tête sous mon oreiller afin de ne pas les entendre et avais dormi comme je le pouvais. Ces gars avaient beau partager le même dortoir que moi depuis cinq années maintenant, ce n'était pas pour autant qu'ils étaient mes amis ; loin de là, même. Certains n'avaient jamais fait l'effort de me parler et me détestaient sans me connaître, sans que je ne leur ai fait quoi que ce soit. Aujourd'hui, ils marmonnaient des paroles incompréhensibles sous le coup de la fatigue et leur nuit presque blanche, tentant de discuter avec leur voisin de lit qui s'était déjà presque endormi et qui était de toutes façons trop loin pour entendre ce babillage sans sens. Dans quelques instants, ils s'endormiraient comme des masses, la bouche encore entrouverte afin de finir leurs phrases, puis cette même bouche produirait des ronflements sereins et désagréables.
Cette seconde soirée, donc, était beaucoup plus calme que la précédente. Durant tout l'été, je m'étais habitué à rentrer chez moi tard, avec des horaires pas possibles et pas beaucoup de temps de sommeil. en effet, quand je rentrais vers quatre heures du matin, ma mère avait cette bonne idée de venir me réveiller vers onze heure - voir plus tôt - pour que je n'oublie pas de l'aider dans les tâches pénibles qu'étaient les tâches ménagères que seul "un gars costaud comme moi" pouvait faire - d'après elle, toujours, en réalité elle aurait pu le faire mais son âge grandissant lui donnait souvent des douleurs au dos.
Ce soir, après la nuit de sommeil que j'avais eu la fois d'avant, je n'étais pas fatigué. Attrapant ma montre, je cherchais à tâtons ma baguette, murmurais un petit « lumos » et regardais l'heure. Il n'était pas loin de minuit. Soupirant, je me remis sur le dos, me demandant ce que j'allais faire. Rester là à chercher le sommeil, ou bien partir en expédition nocturne ? Mon choix fut rapidement fait, et je me levai, m'habillant rapidement en faisant attention de ne réveiller personne.
Je poussais la porte lentement, histoire de ne pas me retrouver face à une mauvaise surprise, puis descendis lentement ; avant de remonter vers les dortoirs des filles. Après avoir évité le piège et repéré la porte des dernières années, je frappais deux coups secs à la porte ; priant pour que la seule fille qui ne dormait pas à cette heure là soit Rhileigh.
Redescendant rapidement dans la salle commune plongée dans l'obscurité, je perçu un mouvement vers l'entrée, et me cachai rapidement derrière un fauteuil. Je plissais les yeux, tentant de distinguer la silhouette. Je faillis demander si c'était elle, mais très vite la silhouette s'approcha et me dépassa, sans que je ne reconnaisse quoi que ce soit de mon amie. Retenant mon souffle, j'attendis donc que la personne passe son chemin, avant de me précipiter dehors.
Une fois dans les couloirs, je me figeai de nouveau. Traverser la salle commune était d'habitude la partie la plus facile. Les couloirs, c'était tout de suite moins amusant. Il fallait faire gaffe à ne pas croiser de fantôme, de ne pas faire trop de bruit, a avoir toujours une cachette en vue au cas où quelqu'un arriverait. Et surtout, si on croisait Rusard ou son vieux chat tout bizarre, on risquait gros, très gros.
Essayant de faire le moins de bruit possible, je traversais le couloir au pas de course, avant de jeter un oeil discret a ce qu'il y avait derrière. Rien, ni personne. Je regardais derrière moi, histoire de ne pas avoir de mauvaise surprise. En même temps, j'aurais aimé que Rhileigh soit là. Elle avait toujours été plus habile pour ne pas se faire repérer. Je grimpais les escaliers quatre à quatre, comme si je fuyais quelque chose, arrivant enfin jusqu’à la porte qui menait à la tour. Je me retournais une dernière fois, afin de m'assurer que personne n'était là à me guetter. Une fois à l'air libre seulement, je poussais un gros soupir, chassant toute la pression que je m'étais mise pour arriver jusqu'ici.
Je respirais tranquillement, les yeux grands ouverts, ne me lassant pas de ciel étoilé ; profitant pleinement de ce petit instant de rare solitude.
Instant court, car très vite la porte par laquelle j'étais passé s'ouvrit de nouveau, et je serrais les dents, priant pour que ça ne soit pas quelqu'un de l'administration ou un quelconque donneur de leçon débile.

Dès que le couvre-feu avait sonné, RJ avait rejoint ses quartiers dans la salle commune, discutant un moment avec ces collègues de dortoirs. Mais bien vite, les voix furent réduites au silence, et furent remplacer par les doux sons de la nuit : des bruits des respirations lentes, des ronflements, voire même quelques grognements ou babillages ensommeillés qui n’avaient aucun sens – à ce moment-là, elle se demandait toujours à quoi pouvait donc rêver ces compagnes, mais oubliait toujours des les questionner au matin. Les yeux de Rhileigh, eux, par contre, ne se fermèrent pas. Au contraire, elle resta éveiller pendant un long moment, puis trouva un semblant de sommeil alors que minuit approchait. Mais ce fut de courte durée, car deux petits coups secs, frappés sur la porte du dortoir, la réveillèrent au sursaut. Il lui fallut un court instant pour comprendre ce que ses cognement voulait dire : quelqu’un était débout. Et si elle ne se trompait pas, il n’y avait qu’une seule personne qui agissait de la sorte. Flynn.
Doucement, elle se releva, puis s’assied sur le bord de son lit. Si quelqu’un la surprenait à l’instant présent, elle pourrait toujours raconter qu’elle s’en allait aux toilettes – l’excuse de secours. Mais par chance, ces demoiselles qui partageaient sa chambre semblait apprécié la compagnie de Morphée, et, après avoir enfilé sa robe de chambre par-dessus son pyjama, ainsi que ces pantoufles – les chaussures les plus silencieuses du monde! – elle se faufila à l’extérieur du dortoir, puis descendit en quatrième vitesse les marches menant au salon commun. Personne. Elle avait dû mettre trop de temps et il était parti sans elle. C’était la seule solution qu’elle avait en tête en ce moment, n’imaginant pas une seule seconde qu’il ait décidé de retourner se coucher tranquillement sans faire d’histoire. Elle traversa donc la pièce vide, puis se faufila par la porte, et se retrouvant dans le couloir, qui, par chance, était désert.
Maintenant, il fallait qu’elle devine où il avait décidé de se rendre, ce soir. Ce n’était pas très évident, mais RJ connaissait les endroits favoris de Flynn – depuis le temps qu’ils séchaient le couvre-feu ensemble, ils avaient bien sûr quelques repères de choix qu’ils aimaient rejoindre, quand ils le pouvaient. La première idée qui lui vient en tête n’était visiblement pas la bonne, mais lorsque la tour s’impose dans son esprit, Rhileigh décide de suivre son instinct en entame le long chemin qui la sépare de sa destination. Non, ce n’est pas vraiment très long, seulement, lorsqu’il faut agir sans se faire voir, toute précaution est bonne, dont celle de prendre son temps.
Après sept années d’études, la jeune fille est pratiquement devenue une experte en la matière, mais elle reste néanmoins consciente que chaque plan peut avoir une faiblesse : elle peut se faire prendre à tout moment. Allez savoir, c’est cette adrénaline qui le donne le goût, chaque fois, cette envie de sortir la nuit. Certes, les règlements sont là pour être respectés… mais certaines règles sont aussi faites pour enfreintes, n’est-ce pas ce qu’on dit?
Au bout d’une quinzaine de minutes, Rhileigh atteint afin son but. Grimpant deux par deux les marches, elle pousse la porte, et la referme aussitôt derrière elle. Dès que la porte est close, elle sent son corps se détendre d’un seul coup. Ouf! Mais son intuition l’avertit d’une présence derrière elle. En quelques secondes, elle fait demi-tour, et soupir à nouveau en apercevant la silhouette de Flynn, qui visiblement, ne l’a pas encore reconnu – en fait, il ne s’est même pas retourné. Avançant à pas de loup, elle se rapproche lentement de ce dernier, avant de finalement lui sauter littéralement dans le lot, question de lui foutre la trouille. Rien qu’un peu, bien sûr. Ses bras passés autour de son cou, RJ rigole. « Je t'ai manqué? » lui glisse-t-elle à l'oreille.

Respirant calmement et m'attendant au pire, je décidais de ne pas bouger en attendant que la personne derrière moi fasse le premier mouvement. Mais bientôt, je n'entendis plus rien. Peut-être que la personne se déplaçait trop silencieusement pour que je ne l'entende, auquel cas c'était surement un élève - un prof ou rusard aurait préféré hurler et tenter de me prendre au dépourvu pour me mettre encore plus mal à l'aise et m'annoncer directement la couleur de notre discussion. Ou alors, j'avais juste rêvé ce bruit de porte et, dans ce cas, je commençais juste une dépression nerveuse ou quelque chose dans le genre.
J'allais opter pour cette seconde solution, n'entendant toujours plus rien, quand un poids soudain sur mon dos et un rire cristallin à mon oreille me firent sursauter, mais aussi comprendre que je ne risquais rien. Je n'eus qu'a tourner la tête pour paercevoir une Rhileigh, perchée sur mon dos, heureuse de me revoir et surtout contente de m'avoir fait peur. Elle rit, sans se détacher de moi, s'agrippant à mon cou pour ne pas tomber.
« Je t'ai manqué? » demande-t-elle ; mais je me remets encore de mes émotions et de ce petit moment de panique. Je porte une main à mon coeur, dont les battements s'apaisent petit à petit. « Ouah, la flippe. » murmurai-je, avant de pousser un soupir de soulagement. Je la fis descendre de mon dos, afin de mieux pouvoir la regarder. Étant donné qu'il faisait sombre, ce n'était pas le plus pratique, mais la lumière de la lune était suffisante pour que je puisse la distinguer assez bien. Je m'appuyais contre le mur de la tour, me mettant face à elle et jetant un regard à la porte ; cette porte traîtresse. « Bien sur que tu m'as manqué ! La nuit sans toi, c'est pas pareil... »
Je reportais mon attention sur la jeune fille, et repensais mes paroles. Cette été , elle m'avait manqué. J'avais du mal à imaginer que cette année elle entamait sa dernière année et que l'an prochain, pouf. Plus de Rhileigh. Plus que des balades le long des toits, en solitaire, flippant tout le temps au moindre bruit sans aucune chance que ce soit elle qui arrive par surprise. Je la regardais fixement, espérant que la nuit cacherais ma nostalgie. Après tout, on était au début de l'année, ce n'était que le deuxième jour. Si je commençais à m'en faire maintenant, ça risquerais d'empirer au fil des jours. et puis c'était nos premières retrouvailles sur le toit de cette année, je n'allais pas commencer dès maintenant. Je décidai de masquer cette morosité en ronchonnant.
« T'as mis le temps, n'empêche. Tu t'étais endormie ? » J'avais prononcé la deuxième phrase avec un peu plus de légèreté. Ce n'était pas non plus dans mon intention de la traîner dehors à des heures impossibles sous prétexte que moi, je n'arrivais pas à fermer l'oeil. D'ailleurs, d'habitude, c'est elle qui rentrait par effraction dans le dortoir pour venir me chercher. Pour ma part, je frappais juste discrètement à la porte. Si une fille n'était pas encore bien endormie et que je rentrais comme ça dans le dortoir, elle risquerait d'hurler comme une alarme, de réveiller tout le monde et de me mettre dans une position de voyeur pervers. A l'inverse, si c'était Rhileigh qui se faisait prendre par des mecs, ils rigoleraient, balanceraient quelques vannes lourdes et débiles mais s'arrêteraient là.
Je basculais la tête vers l'arrière, histoire de voir les étoiles et d'essayer de repérer les constellations. En ce ciel de fin d'été, elle étaient toutes assez visibles et semblaient n'attendre que d'être cueillies. C'était bien sûr stupide de penser ça, mais respirer l'air de la nuit et regarder les étoiles me rendait poète, que voulez vous.